Newsletter

(c) Freepik

22.2.2024

Etude Profil 2024 by Sofinco : un contexte economique qui pousse aux arbitrages

La nouvelle livraison de cette étude annuelle commence par une bonne nouvelle : les intentions d’achat des Français pour équiper leur maison progressent de 6 % en un an. Mais les tensions sur le pouvoir d’achat poussent les consommateurs à rechercher la sécurité, ce qui se traduit par un ensemble de nouveaux arbitrages entre produit neuf et d’occasion, remplacement ou réparation d’un produit usagé, voire report de certains achats en cas de nouvelle poussée inflationniste. Pour les achats à crédit, les consommateurs joueront sur la durée et le montant des mensualités… autant de stratégies dans un seul but : optimiser un budget contraint. FRANCOIS SALANNE

Inflation persistante, pouvoir d’achat en berne, taux d’intérêt élevés, croissance au ralenti… Le contexte économique en ce début 2024 n’est pas favorable pour l’ensemble des marchés, parmi lequel celui de la maison, qui est de plus pénalisé par la chute des transactions immobilières (de – 20 à – 25 % en 2023), dont on sait qu’elles entraînent mécaniquement des achats de meuble et d’électroménager au moment de prendre possession de son nouveau logement. C’est une raison supplémentaire de regarder à la loupe la nouvelle étude Profil 2024 by Sofinco, réalisée en partenariat avec l’Institut de la maison – IPEA, qui a interrogé 6 000 ménages français afin de connaître leurs intentions d’achat sur l’année qui commence, pour décrypter les tendances de consommation sous-jacentes… Intentions révélant, malgré la conjoncture, des points positifs ! Ainsi, ces prévisions d’achats exprimées par les Français pour l’aménagement de la maison restent bien orientées, puisque 18 millions de ménages, soit 61 % des ménages de l’Hexagone – contre 17 millions en 2023 - envisagent de faire au moins un achat pour leur maison, portant en priorité sur l’isolation – fenêtres (+ 83,3 %), chauffage (+ 42 %), où il y a des aides publiques au financement – mais aussi sur le jardin, la literie, les canapés et la cuisine, cette dernière pièce faisant l’objet d’un projet d’achat pour 3,2 millions de ménages (+ 23 %). D’autre part, 47 % des propriétaires de maisons – soit près de la moitié – se lanceront dans des travaux, depuis les plus simples comme la pose de papier peint ou la peinture, jusqu’aux plus importants comme l’isolation intérieure ou extérieure, facteur d’économies d’énergies. Au long de ses 54 pages, l’étude Profil 2024 by Sofinco, très fournie, est agrémentée de nombreux chiffres clés et graphiques, sans oublier des focus sur les comportements particuliers de quatre profils type d’acheteurs d’équipements pour la maison [voir encadrés].

L’étude à l’origine de cette nouvelle édition du Profil by Sofinco a été réalisée en interrogeant, du 24 novembre au 7 décembre 2023, un échantillon de 6 000 ménages français ; échantillon représentatif de la population nationale selon la méthode des quotas, sur des critères d’âge et de profession de la personne référente du ménage, de région d’habitation, de type de logement et de statut d’occupation de ce logement.

Distribution : toujours plus d’omnicanalité

L’étude nous apprend que les intentions d’achat sont en légère hausse pour de nombreux types de meubles - literie (+ 0,2 %), meuble de cuisine / cuisine intégrée (+ 0,6 %), meubles rembourrés (+ 0,3 %), meuble de salle de bains (+ 0,3 %) – ce qui donne à penser que la consommation en 2024, si elle se présente dans un contexte difficile, devrait être au moins au niveau de 2023. Une probabilité soutenue par le fait que 35 % de propriétaires de résidences secondaires déclarent qu’ils feront un achat pour ce logement, soit 4 points de plus qu’au début 2023, ce qui offre de belles opportunités notamment pour les acteurs de la cuisine et de la literie. Reste à décrypter par quels canaux de distribution ces achats se feront. A ce sujet, l’étude est une bonne occasion de rappeler que « le magasin n’est pas mort » puisque, comme le souligne une étude de l’IPEA réalisée en 2023, ce dernier « reste au cœur du dispositif de vente des produits d’équipement de la maison, car le consommateur a besoin de voir, de toucher, de se renseigner. » Mais il s’inscrit simplement dans un parcours d’achat plus large : si 76,9 % des ménages se déclarent d’accord avec le fait que la situation économique et sociale les pousse à passer plus de temps dans leur logement, ce n’est pas contradictoire avec l’action de se rendre en magasin. En effet, 80 % des parcours d’achat démarrent désormais en ligne, confortablement installé dans son canapé, dans la tranquillité du foyer, puisque 88 % des personnes interrogées considèrent la maison comme un « refuge » contre le monde qui les entoure. Ce parcours se poursuit, après, en magasin, et c’est dans cette transition que se noue l’omnicanalité : « Cet aller-retour entre Internet et le magasin - et inversement - devient une habitude, expliquent les auteurs de Profil Sofinco 2024. C’est à chaque professionnel de déployer ses cartes et son savoir-faire pour présenter, expliquer, convaincre le consommateur tout au long de son parcours d’achat. » Cette omnicanalité exige cependant un « back office » et une logistique sans coutures pour offrir au consommateur une expérience fluide. Comme le relève l’étude, les intentions d’acheter en magasin restent très majoritaires, mais peuvent varier en fonction des familles de produits : ces intentions sont à la hausse pour certaines d’entre elles (+ 5,4 % pour les meubles rembourrés, + 2,1 % pour la literie, + 1,9 % pour les tables et chaises) ou à la baisse pour d’autres (- 2,8 % pour les meubles de cuisine, - 2,6 % pour le dressing, - 2 % pour les meubles de salles de bains). La grande distribution continuera de capter une grande part des intentions d’achat, comme par exemple 64 % des tables et chaises, 59 % des canapés et 58 % de la literie.

Séduire un client prudent

Attention cependant, les consommateurs, échaudés par l’érosion de leur pouvoir d’achat, conservent une sensibilité élevée au prix : 73 % des ménages se disent prêts à renoncer à au moins un de leurs achats, en cas de nouvelle hausse des prix. Ils sont notamment 55,4 % (+ 4,4 %) qui pourraient renoncer à acheter des meubles de cuisine en cas de hausse des prix, et 52,2 % (+ 2,4 %) à avoir la même attitude pour les meubles de salle de bains. Ils sont moins nombreux en revanche – 63 %, (- 4,2 %), à se déclarer prêt à renoncer à l’achat d’un canapé en cas de hausse des prix, idem pour la literie, pour lesquels 56,4 % sont prêts à renoncer à leur achat (-0,8 %). Dans le même registre, 82,4 % des personnes interrogées déclarent avoir modifié leurs habitudes de consommation, et avoir réduit leurs dépenses, tandis que ceux qui le peuvent ont augmenté leur épargne : « En périodes de tensions économiques, sociales et politiques, le manque de stabilité et de repères amène les Français à plus d’inquiétude et d’attentisme », résument les auteurs de l’étude, qui évoquent des ménages qui se mettent en mode « sécurité ». Dans une telle situation, tout l’enjeu pour les professionnels de l’équipement de la maison sera de leur donner envie de renouveler leurs meubles, en apportant du nouveau en termes de confort, d’ergonomie ou de design, et en tenant compte du profil de leurs clients majoritaires. Ainsi, les spécialistes salon doivent répondre aux attentes des 60 % de leurs clients qui ont plus de 50 ans, et aux 40 % de leurs clients qui occupent leurs logements depuis plus de 11 ans ; Les spécialistes literie sont dans la même situation, puisque 58 % de leur clientèle a plus de 50 ans, et 45 % est installée depuis plus de 11 ans ; pour les multi-spécialistes milieu de gamme, 59 % de leurs clients ont plus de 50 ans, et habitent au même endroit depuis plus de 11 ans ; dans les magasins de meuble haut de gamme, les plus de 50 ans atteignent 75 %, tandis que la clientèle des « pure players » touche toutes les tranches d’âge, y compris les seniors de plus de 60 ans, qui représentent tout de même 27 % de leurs clients.

Autre point important relevé par l’étude, et contrairement à ce qu’on pourrait penser, les consommateurs ne plébiscitent pas les conseils du vendeur, puisque 70 % d’entre eux disent qu’ils peuvent s’en passer. « Désormais le client achète, et on ne lui vend plus », comme le constate un vendeur de meuble cité dans l’étude. Comme le pointent les auteurs de ce Profil 2024 by Sofinco, c’est un point essentiel, car le conseil est par définition un service qui permet d’accroître la valeur du panier moyen d’un client qui, faute d’en obtenir, a tendance à se rabattre sur le produit le moins cher, de peur de se tromper. Or 42 % d’entre eux déclarent qu’ils ont l’intention d’accroître leurs achats en ligne. On peut donc en déduire que les sites internet, à grand renfort de réalité augmentée, de configurateurs et d’intelligence artificielle, ont vocation à se substituer petit à petit au conseil du vendeur. Il y a là un message fort aux magasins, qui ont tout intérêt à miser sur leurs équipes de vente, et à renforcer leur expertise pour garder une longueur d’avance par rapport à la vente en ligne.

Produit neuf versus occasion

La sensibilité au prix explique sans doute au moins en partie le succès croissant des produits d’occasion. Ainsi, 48,5 % des ménages interrogés déclarent qu’ils achètent de plus en plus de produits de seconde main pour leur logement. Dans la même veine, 47,7 % des ménages avancent tout simplement qu’ils « préfèrent acheter des produits d’occasion plutôt que neufs. » Il s’agit donc d’une concurrence à ne pas négliger pour les fabricants et distributeurs de produits neufs, tirée par certains sites de vente en ligne comme Le Bon Coin, qui facilitent le passage à l’acte d’achat d’occasion, puisque les brocantes et vides-greniers ne représentent que 16 % des achats d’occasion, et les acteurs de l’économie solidaire, de type Emmaüs, 13 %. La part des ménages qui sont prêts à acheter au moins un produit d’occasion progresse elle aussi et atteint 34 % (contre 29 % en 2023). Cependant, l’appétence pour l’occasion varie en fonction des familles de produits. Ainsi, ceux qui se prêtent le plus à la seconde main sont les tables, chaises et bureaux (que 39,5 % des ménages sont prêts à acheter d’occasion), mais ce pourcentage descend déjà à 27,1 % pour les meubles de salle de bain et le dressing, et même à seulement 8,9 % pour la literie (matelas, sommier). Sans surprise, la principale motivation à l’achat d’occasion est économique : 65,7 % des personnes interrogées souhaitent avant tout dépenser moins et faire une bonne affaire, tandis que 40 % n’ont pas le budget pour acheter le produit neuf, et 40 % justifient ce choix pour des raisons écologiques. Autre élément intéressant à noter, les achats d’occasion se font pour près de la moitié en ligne, mais les consommateurs sont 25 % à souhaiter trouver des produits de seconde main en magasin, où l’offre est encore embryonnaire.

Autre point important relevé par l’étude, et contrairement à ce qu’on pourrait penser, les consommateurs ne plébiscitent pas les conseils du vendeur, puisque 70 % d’entre eux disent qu’ils peuvent s’en passer. © pch.vector sur Freepik

Remplacement ou réparation ?

Un autre arbitrage est en train de prendre de l’importance : celui entre l’intention de remplacer un meuble ou un appareil électroménager, ou bien le réparer… au bénéfice de cette seconde option. En effet, autant pour des raisons économiques qu’écologiques, les ménages préfèrent redonner une nouvelle jeunesse à leurs équipements, plutôt que les remplacer. Ils sont d’ailleurs 59,9 % à réparer eux-mêmes un meuble quand il est abîmé ou cassé, tandis que 17 % seulement déclarent remplacer leur mobilier quand il est abîmé… De façon générale, la conscience écologique gagne du terrain, car on se préoccupe du produit dont on ne veut plus, en cherchant à lui donner une seconde vie : seuls 30 % des ménages qui se séparent d’un meuble vont le jeter, alors qu’un quart va le donner à une association, et un autre quart va le revendre d’occasion. La réparation du mobilier étant un thème qui va prendre de l’importance, dans le cadre de la loi AGEC contre le gaspillage et pour l’économie circulaire, l’étude est allée plus loin, en sondant le terrain. On apprend ainsi que, le mobilier étant souvent difficile à transporter, la moitié des ménages préféreraient que le réparateur intervienne à domicile, tandis que l’autre moitié se sépare à égalité entre ceux qui sont prêts à apporter le produit eux-mêmes chez le réparateur, et ceux qui préfèrent que le réparateur se charge de leur transport. Quoi qu’il en soit, les ménages qui sont prêts à se déplacer seraient d’accord, pour un tiers d’entre eux, pour faire 5 kilomètres, tandis que les trois quarts ne feraient pas plus de 10 kilomètres. La montée de la conscience écologique se traduit aussi par les 51,5 % de Français qui sont d’accord avec le fait de privilégier la fabrication locale, quitte à payer plus cher, et les 54,2 % déclarant acheter des produits de fabrication éco-responsable pour leur logement.

D’une maison « meublée », l’on passe à une maison « agencée » : une tendance ayant émergé avec la crise du Covid… Pour les Français, ainsi, fonctionnalité et style sont complémentaires avec, en toile de fond, le souhait d’un intérieur « cocon » aux inspirations chaleureuses et naturelles.

Le crédit, un levier pour augmenter le panier moyen

Dans un contexte globalement difficile, l’étude révèle que 36 % des ménages acheteurs auront recours à une solution de crédit en 2024, des intentions qui sont en baisse par rapport à 2023 dans toutes les catégories de consommateurs. Ce recours s’appliquera logiquement aux achats les plus onéreux : notamment pour les systèmes de chauffage (40,2 %), la climatisation (39,8 %), les canapés et fauteuils (34,5 %). A ce sujet, les auteurs ajoutent que « le rôle des enseignes sera central en 2024, car naturellement le consommateur préférera baisser son budget plutôt que de demander un financement. » Ils enfoncent le clou : « La position du vendeur, encore une fois, sera cruciale pour maintenir voire augmenter le budget. Car nous savons tous que la dynamique de l’immobilier étant faible, les volumes de vente continueront de baisser en 2024. » Dans un contexte de hausse des prix et des taux d’intérêt, les consommateurs seront vigilants sur le type de crédit contracté, en jonglant sur les paramètres de la durée du financement et du montant des mensualités, avec des arbitrages assez différents, selon les familles de produits, entre ceux qui souhaiteront allonger la durée pour ne pas augmenter les mensualités, et ceux qui choisiront de diminuer le montant de leur achat pour les mêmes raisons... sans oublier le pourcentage important de ceux qui continueront à contracter un crédit comme ils l’ont fait jusqu’à présent.

Un autre arbitrage est en train de prendre de l’importance : celui entre l’intention de remplacer un meuble ou un appareil électroménager, ou bien le réparer… au bénéfice de cette seconde option. © rawpixel sur Freepik

-----------------

Zoom sur…

Les acheteurs « écologistes aisés »

Appartenant à tous les catégories d’âge, ils exercent une activité CSP+, et sont propriétaires d’une maison. Leur capacité d’épargne est supérieure à la moyenne, ils ont une préférence pour les magasins spécialisés, sont peu enclins à acheter en ligne et n’ont pas besoin de recours au financement.

Comportements en 2024 :

> 87 % sont d’accord pour privilégier la qualité de leur achat contre 71 % en moyenne ;

> 63 % sont d’accord pour privilégier la fabrication locale contre 51 % en moyenne.

Les acheteurs « recycleurs contraints »

Ils sont âgés de 40 ans et plus, appartiennent aux CSP-, et sont locataires en appartement, avec une faible capacité d’épargne, ils privilégient l’achat d’occasion en ligne, et ont recours au financement.

Comportements en 2024 :

> 72 % sont d’accord pour choisir un meuble en fonction du prix, contre 65 % en moyenne ;

> 47 % ont réduit leurs dépenses alimentaires, contre 38 % en moyenne.

Les acheteurs « confort addicts »

Ils appartiennent à la tranche des 20-59 ans, aux catégories CSP- ou CSP+, sont locataires d’un appartement, et disposent d’une capacité d’épargne limitée, et sont adeptes de la grande distribution, des achats en ligne et du financement.

Comportements en 2024 :

> 22 % remplacent un meuble cassé contre 17 % en moyenne ;

> 34 % utiliseront plus de solutions de crédit en magasin, contre 29 % en moyenne.

Les acheteurs « casaniers heureux »

Agés de 60 ans et plus, ils sont retraités et propriétaires de leur maison, avec une faible capacité d’épargne, adeptes des magasins spécialisés mais pas des achats en ligne ni du recours au crédit.

Comportements en 2024 :

> 67 % réparent eux-mêmes leur mobilier contre 60 % en moyenne ;

> 85 % sont équipés en cuisine intégrée, contre 72 % en moyenne.

Abonnez-vous à notre Newsletter pour être toujours à jour sur nos dernières actualités.